Nous réalisons en ce moment même à Abidjan notre premier atelier pilote “Installer et gérer un système d’information collaboratif sécurisé à l’aide de logiciels libres et matériels ouverts”. Concrètement l’usage des outils du projet Yunohost (basé sur GNU/Linux distribution Debian) en ligne (sur un serveur distant VPS) et hors-ligne (via le projet La Brique Internet, ré-utilisé en mode déconnectée) pour coordonner le travail de collectifs d’animation OpenStreetMap (OSM), open data ou du Logiciel Libre en Afrique de l’Ouest. Organisé du 11 au 20 novembre 2016 à Abidjan, hébergé par l’Ecole Supérieure Africaine des TICs (ESATIC) en partenariat avec le Labtic, cette action de renforcement de capacités a été conçue avec et financée par la Direction de la Francophonie Economique et Numérique de l’Organisation Internationale de la Francophonie (DFEN-OIF). Co-organisé et co-animé par notre collectif de travail Les Libres Géographes (LLG), cet atelier rassemble une grosse quinzaine acteurs de la scène ivoirienne du logiciel libre oeuvrant au sein de l’ESATIC, du Labtic, du fablab Ayiyikoh, ainsi que des animateurs du projet OSM de Côte d’Ivoire, du Bénin, du Togo et du Burkina-Faso. Sensibilisés et engagés dans des dynamiques similaires de libération des systèmes d’information, ils sauront trouver les voies d’appropriations locales plus larges de cette semaine de travail en atelier.
Six mois se sont écoulés depuis l’action de renforcement de capacités OpenStreetMap (OSM), Géomatique Libre et open data du Bénin (3 semaines en mai 2016) où nous embarquions notre première Brique Internet (Yunohost) comme système d’information libre, embarqué et déconnecté (lire l’article de blog). Suite à cette mission nous avons appronfondi l’usage de la Brique Internet lors de 2 nouvelles actions OSM, opendata et Géomatique Libre à Bouaké en Côte d’Ivoire, respectivement :
lors de 2 semaines de formation (septembre 2016) conduite par 2 membres du collectif Les Libres Géographes et 4 mappers ivoiriens par ailleurs membres de l’association OSM Côte d’Ivoire (OSMCI) à destination de 25 membres d’équipes de recherche de l’Institut pour la Recherche et le Développement (IRD) et de ses partenaires ivoiriens l’Institut Pierre Richet (IPR) et l’Université Alassane Ouattara (UAO) et burkinabés,
lors de 3 semaines de renforcement de capacités (octobre 2016) animée par 4 membres du collectif LLG avec 25 représentants de 7 communautés OSM ouest-africaines, à destination des équipes IRD/IPR/UAO ainsi que d’étudiants/enseignants/chercheurs de l’UAO et de membres bouakois du projet OSM,
Contexte
L’expérimentation puis l’appropriation de la Brique Internet (Yunohost) comme système d’information libre déconnecté pour la coordination de ces missions et des sessions d’appui organisationnel connexes découle de et s’articule avec une démarche plus globale de libération de notre Système d’Information, entamée en mission à Bouaké en octobre 2015, au sein de notre collectif de travail Les Libres Géographes (LLG) et de l’association Projet Espace OpenStreetMap Francophone (Projet EOF).
Comme de nombreux projets, collectifs, associations oeuvrant autour d’OSM, de la donnée ouverte et du Libre, LLG et le Projet EOF n’étaient paradoxalement pas affranchies en ligne des solutions techniques de Microsoft (Skype), de Dropbox et Google pour le partage de fichiers ou des documents collaboratifs de Google. Cette expérience est relatée dans l’article de blog cité plus haut.
Cette appropriation progressive de Yunohost (complétée par l’usage de l’instance Framapad du projet EtherPad/MyPads, déployée par l’association Framasoft) est au principe de l’organisation de cette action pilote, la première depuis les débuts en 2013 du soutien au projet OpenStreetMap en Afrique de l’Ouest Francophone à être centrée non pas sur OpenStreetMap et la Géomatique Libre mais sur les outils sous licence libre et les méthodes collaboratives mobilisés pour organiser en amont et sur le terrain ce type d’activités.
Objectifs et participants
Cet atelier propose humblement un itinéraire d’appropriation théorique et pratique des outils libres embarqués par la distribution Yunohost qui seront utilisés en mode déconnecté à travers le projet la Brique Internet ou en ligne à travers un serveur distant VPS pour coordonner en collectifs des actions d’animation autour du libre, de la donnée ouverte et du projet OpenStreetMap. Chemin faisant, nous procédons à un état des lieux des débats critiques autour des enjeux politiques et de vie privée des internets en 2016 et proposant sur ce dernier thème des outils d’action théoriques et pratiques, notamment basé sur l’ouvrage collectif Le Guide d’Autodéfense Numérique.
En ciblant en Côte d’Ivoire, au Burkina-Faso, au Togo et au Bénin des acteurs des scènes du logiciel libre et de la donnée ouverte, actifs pour certains dans le projet OSM, l’atelier vise partages, appropriations et réplications en Afrique de l’Ouest. C’est dans cette perspective qu’en Côte d’Ivoire, il a été choisi de travailler notamment avec le groupe public ESATIC, le Labtic, le fablab Ayiyikoh, un tiers lieu ainsi que la communauté OSM de ce pays.
Programme, outils et ressources de l’atelier
Pour animer cet atelier, nous nous appuyons notamment sur 3 Briques Internet (usage déconnecté), une instance Yunohost hébergée sur un serveur VPS distant hébergé chez Gandi au Luxembourg, les ordinateurs des participants, à 2/3 sous GNU/Linux Debian ou Emmabuntüs ou Ubuntu.
L’ensemble des ressources listées plus bas (tutoriels, logiciels et systèmes d’exploitation)ont été rassemblés dans un Kit distribué aux participants.
Voici un résumé du contenu de la formation :
1. Sensibilisation et discussions autour des enjeux liés à la décentralisation du net, aux logiciels libres et matériels ouverts, et au chiffrement bout-à-bout
Ressources : le projet “Dégooglisons Internet”, les vidéos “Vents Contraires” avec J.Zimmermann sur le MediaKit de La Quadrature Du net (LQDN), le site “Contrôle tes données” de LQDN
2. Yunohost en réseau local (LAN) sur La Brique Internet
– Utiliser les applications et services libres : EtherCalc, DokuWiki, Jirafeau, MyPads/Etherpad, OpenSondage, OwnCloud, Searx, WordPress, ZeroBin, XMPP (avec client Pidgin ou Jitsi)
– Administrer graphiquement le système d’exploitation Yunohost
– Ré-installer une brique pour un usage local « à la main »
3. Yunohost sur un serveur VPS distant hébergé chez Gandi
– Installer Yunohost à l’aide du script d’installation, configurer son propre nom de domaine et mettre en place un certificat SSL (démonstration)
4. Vie privée – autodéfense numérique
Ressources : Le Guide d’Autodéfense Numérique, le site Prism Break
– Mozilla Firefox : moteurs de recherches, cookies, historique, installer les extensions Privacy Badger, uBlock Origin, HTTPS EveryWhere, NoScript
– Phrase de passe : définir une politique de gestion de phrases de passe, utiliser le gestionnaire KeePass 2
– The Onion Router (Tor) : bases théoriques sur le réseau Tor et ses limites, utiliser le navigateur Tor Browser Bundle
– Chiffrement point-à-point : bases théoriques sur chiffrement symétrique et assymétrique, application au chiffrement de supports physiques dans GNU/Linux Debian et Windows, des courriels (cf tutoriel d’Autodéfense Courriel de la Free Software Foundation), à la messagerie instantanée avec Off-The-Record (OTR) dans Pidgin
– The Amnesic Incognito Live System (Tails) : démonstration d’installation et d’utilisation
Perspectives de l’atelier pour la journée du samedi
Pour concrétiser ces apprentissages, nous nous plaçons dans la perspective de l’organisation collective, avec les participants, de 2 ateliers ouverts à destination d’un public élargi sur la dernière journée du samedi 19 novembre :
Géo-OpenData et Cartographie OpenStreetMap d’urgence en soutien à la communauté haitienne suite à l’ouragan Matthew,
Logiciels libres et enjeux liés la Vie Privée sur Internet
Conclusion
Au terme de la troisième journée de l’atelier, les différents collectifs de travail représentés se rencontrent et ensemble parcourent l’itinéraire de formation en dialoguant à partir de leurs pratiques co-construisant ainsi les appropriations visées initialement et laissant penser que les briques internet achetées sur nos perdiem et qui seront laissées en dépôt en Côte d’Ivoire, au Togo, au Bénin et au Burkina Faso seront appelées à y servir.
Suivez l’actualité de cet atelier et des autres actions à venir du collectif LLG et de l’association ProjetEOF dans ce domaine sur Twitter via le hashtag #SysInfoLibre, tout en gardant à l’esprit l’importance de développer des réseaux sociaux alternatifs libres, respectueux de la vie privée et décentralisés.
Augustin Doury (lops) et Nicolas Chavent pour l’article, avec Amadou Ndong et Séverin Ménard pour la co-organisation et la co-animation de l’atelier